Rubeus Hagrid ou l’héroïsme populaire



Rejeton de la géante Fridulva et d’un père sorcier, le petit Rubeus ne partait pas du meilleur pied dans une Angleterre conservatrice, toujours défiante envers certaines minorités, et d’autant plus quand il s’agissait des géants, cruels et criminels dans l’imagerie de la communauté magique.
Si ses camarades ignoraient encore à quel point sa mère était importante – dans tous les sens du terme, Hagrid ne pouvait pas cacher sa taille immense et son corps massif. Il prendra rapidement conscience de sa différence : « Quand je t'ai vu pour la première fois, tu m'as fait un peu penser à moi. Plus de mère, plus de père et l'impression que tu n'arriverais à t'adapter à Poudlard. » (1)

L’adolescent, déjà passionné par les créatures susceptibles d’inspirer les meilleurs films d’horreurs, déjà vaguement soucieux du règlement et déjà orphelin, saura compter sur Albus Dumbledore. Injustement accusé par Voldemort puis renvoyé de Poudlard, Dumbledore lui offrira un poste de garde-chasse, son amitié, et surtout sa confiance absolue. Depuis, Rubeus Hagrid est sûrement devenu le plus fidèle allié que Dumbledore ait pu avoir. Il est vrai qu’Albus, lui aussi orphelin, lui aussi différent, a su protéger Hagrid contre les prénotions largement partagées par la communauté des sorciers, qui, comme la communauté Moldu, reste attachée à l’honneur et à la réputation des familles dans une sorte de marché concurrentiel ou chaque maison défend son nom comme une entreprise défendrait sa marque. Dumbledore – et Hagrid – ne partagent pas cette vision :

« Il fait confiance aux gens, Dumbledore... Il leur donne une deuxième chance... C'est pour ça qu'il est différent des autres directeurs. Il est prêt à accepter n'importe qui à Poudlard, du moment qu'on est capable de faire quelque chose. Il sait qu'on peut être quelqu'un de bien, même si on vient d'une famille qui n'est pas... disons... très respectable. Mais il y en a qui ne comprennent pas ça. » (2).

 Après avoir tiré un trait sur l’essentialisme (c’est-à-dire la détermination d’un individu selon son origine, son sang), les trois orphelins que sont Dumbledore, Hagrid et Harry, chacun appartenant à une génération différente, vont faire triompher une idée essentielle pour Rowling : ce qui importe n’est pas la naissance, mais ce que l’on devient (3). En outre, Hagrid n’a jamais été un sorcier extraordinaire, même lorsqu’il étudiait à Poudlard. Son accent de l’ouest anglais, son penchant pour la bouteille, les pauvres conditions matérielles dans lesquels il vit et son observation sélective des règlements (en particulier en ce qui concerne les créatures magiques) donnent de lui l'image d'un homme du peuple, humble, modeste et néanmoins heureux. En cela, le professeur de Soins aux créatures magiques est déjà « populaire » : Rowling introduit un personnage issu du petit peuple, défavorisé dès sa naissance.

Mais ce n’est pas tant ses difficultés que l’auteur aime à faire partager, au contraire de ses haut-faits. Hagrid, en effet, est un allié "de taille"  pour l’Ordre du phénix et ses amis en général : courageux, loyal, fidèle, brave, il est même doué et efficace. C’est lui, depuis sa petit cabane dans laquelle il vit, qui participe à l’éducation de Harry Potter et de ses amis ; lui qui répond de la sûreté et de la sauvegarde des créatures menacées ou insultés par l’orgueil des hommes ; lui qui aborde en premier le dialogue avec des géants injustement exterminés ou mis à l’écart par les mêmes ; lui qui répond de la vie et des nobles intentions d’Albus Dumbledore ; lui qui sauva Harry d’une mort certaine après que ses parents furent assassinés ; lui enfin qui défend le pauvre ou l’orphelin, habille Poudlard à Noël et le déguise à Halloween, et se rend présent pour tous les infortunés à qui la vie n’a pas dit son dernier mot. C’est un homme qui vole – littéralement – au secours d’autrui, sans être intéressé par l’argent ni par le pouvoir.

Un petit gaillard que la vie pourrait ne pas avoir gâté, si seulement elle avait oublié de le rendre extraordinaire. En cela, Hagrid est la figure potterienne de l’héroïsme populaire.


(1) :  Harry Potter et la Coupe de Feu, Chapitre 24.
(2) :  Idem.
(3) :  « Vous accordez beaucoup trop d'importance [...] à la prétendue pureté du sang ! Vous refusez de reconnaitre que ce qui compte, ce n'est pas la naissance, mais ce que l'on devient ! », Harry Potter et la Coupe de Feu, Chapitre 36.


Si un jour, vous êtes confronté à quelque chose d'horrible, d'imposant et de dangereux, rappelez-vous que vous n'êtes pas Hagrid. 
La rédaction vous conseille donc de courir très vite.


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