Le Figaro, Digischool, TF1, Meltycampus, Metro, l'Express, sont quelques-uns des nombreux médias qui titraient tous "Harry Potter rend-il vraiment tolérant ?" avec une sorte de mimétisme malsain qu'on n'aime guère à voir dans le journalisme. La rédaction de Pottermag vous propose d'examiner le sujet avec plus de profondeur.
L'origine de cet intérêt soudain pour les vertus éducatives de notre saga préférée provient d'une étude universitaire effectuée par plusieurs pays, mais à l'initiative de chercheurs italiens. Cette étude est disponible en cliquant sur ce lien. On ne manquera cependant pas de remarquer les sous-titres adoptés par la plupart des médias français, qui parlent d'immigrés, d'homosexualité. Des thèmes politiques dont ils se servent pour agiter l'opinion. Or les faits sont têtus : il y a maintenant un an paraissait "Harry Potter and the Millenials", un ouvrage d'Anthony Gierzynski qui montrait déjà bien avant les italiens comment et surtout à quel point Harry Potter pouvait ouvrir l'esprit des jeunes lecteurs. Il semble alors étonnant que personne n'ait mentionné une étude pourtant beaucoup plus considérable, et aussi beaucoup plus fiable.
L'étude italienne s'est en effet concentrée sur 34 étudiants d'une même université du pays. Un échantillon scandaleusement faible, si on le compare avec les 1100 étudiants américains de "Harry Potter and the Millenials". D'autre part, Gierzynski n'a jamais caché l'objet politique de son étude, alors que les chercheurs dont parlent la presse française en ce moment ne prétendent parler que de psychologie sociale.
D'accord, mais Harry Potter rend-il plus tolérant ?
C'est peu ou prou le résultat commun aux deux études : la lecture des aventures de l'orphelin de Privet Drive aurait ouvert l'esprit des jeunes lecteurs. Sur la question des minorités, les étudiants interrogés semblent partager une vision "tolérante" sur ces sujets de société. C'est, d'après les universitaires italiens, l'effet de la campagne des héros contre l'esclavage des elfes, la discrimination des demi-géants, des loups-garous, et des "fils et filles de moldus". Des catégories très vite assimilables, d'après les mêmes, aux immigrés, aux homosexuels, aux cancéreux, aux religions minoritaires, etc. Mais est-ce vraiment si sûr ?
Il y a donc des limites
Harry Potter ne fait mention ni de religion, ni de couleur, ni d'immigration, ni de questions de société, non plus d'homosexualité. Rowling a même déployé, avec une rage contenue, tous ses artifices pour que rien de clivant n'apparaisse dans ses livres. Elle fait preuve, dans une certaine mesure, d'un respect pratique pour la laïcité à la française pourtant absente en Angleterre. Bien sûr, elle a fait part de l'homosexualité de Dumbledore ; mais est-ce vraiment assez ? Harry n'est pas un argument commercial pour vendre des campagnes publicitaires en faveur de tels ou tels groupes. Et un échantillon d'étudiants américains, fussent-ils plus d'un millier, n'est pas suffisant.
D'autres questions sont à poser, surtout dans un domaine où les études universitaires ne font que leurs premiers pas. N'est-ce pas plutôt l'absence de références communautaires qui incite le lecteur à ne voir dans un homme rien de moins - ou de plus - que son humanité ? (1) Les étudiants interrogés n'étaient-ils pas déjà ouverts avant de lire les livres ? Car en reprenant librement Rousseau, "on est ce qu'on lit" (2).
Gardons-nous bien de découvrir une montagne sous un petit caillou ! Les médias aiment à se répandre en conjectures abracadabrantes pour attirer l’œil des curieux. Nous savons, nous potteriens, que Rowling nous a rendu meilleur. Plus tolérants, peut-être, mais surtout méfiants à l'égard des journalistes avides de faire glisser leur plume à papote sur les plus grandes colonnes.
(1) Question libre de l'auteur de l'article.
(2) Citation d'origine : "On est ce qu'on mange."
